Le vieux guitariste

Publié le par Natus Bidulus

En mars 93, dans le cadre du cours de Français, notre prof nous avait montré une reproduction de Picasso ("Le Vieux Guitariste") que voici:



Nous devions rédiger un texte inspiré de cette peinture. Le texte que j'ai écrit a été lu devant toute la classe, c'est dire si j'étais fière!

J'ai décidé de le publier ici:

Le vieux guitariste

"Un son mélancolique parvient à mon oreille, je sais d'où il vient.
Tout le monde le sait. 
Cela fait des jours, des semaines, des lustres qu'il est là.  Il ne chante pas, il ne parle pas. 
Personne ne le connait et il ne connait personne. 
Il s'assied toujours au coin de la rue.
Peut-être joue-t-il pour lui, ou pour nous, ou peut-être pour les oiseaux qui n'ont plus peur de lui.
Il n'engage jamais la conversation.
Souvent, je l'épie, je m'assieds sur un banc, je l'écoute et j'observe.
Je ne l'ai pas encore vu sourire.
Il a probablement oublié l'âge qu'il avait et d'abord, a-t-il un âge?
Il est si familier, on a l'impression de le connaître mais on ne lui adresse pas la parole; on le voit sans le voir, il se confond avec le paysage.
La nuit, je ne sais pas si c'est lui qui joue ou si c'est mon imagination, mais les notes qu'il parvient à tirer de sa guitare m'obsèdent, me poursuivent.
Dans ses yeux bleus inexpressifs, aucune flamme ne brille.
Il est peut-être déjà mort, son âme l'a surement quitté; il ne reste plus de lui que ce corps, cette enveloppe charnelle qui joue de la guitare du matin au soir et du soir au matin.
Il m'intrigue, j'ai envie de le secouer, de lui dire de s'éveiller, de regoûter les joies de l'existence, de boire à la source de la vie.
Il me fascine.
Les années ont laissé de cruelles traces de leur passage.
Comme un sculpteur qui aurait taillé un visage de pierre aux profonds sillons.
Quand il mourra, je suis sure qu'il n'y aura personne à son enterrement.
Ou plutôt si, il y aura moi et tous ceux qu'il intrigue.
En fait, tout le village sera là.
Il fait partie des choses courantes de la vie à présent.
Il a toujours été là.
Il représente la tristesse.
Les gens qui passent ne l'entendent pas.
Ils sont sourds.
C'est normal: ils sont heureux.
Quand les ennuis commencent, lorsqu'ils ont une déception, ils enfuient leur main au fond de leur poche et en retirent quelques pièces.
Ils pensent ainsi se décharger de leurs soucis et ne se rendent pas compte que le pauvre hère hérite de la misère des autres.
Il a l'habitude.
Il regarde les pièces sans remercier les gens.
D'ailleurs, pourquoi le ferait-il?
Il est si malheureux que même l'argent ne peut lui rendre un sourire.
Il nous a été envoyé par Dieu pour supporter nos vagues à l'âme.
Où est la charité?
Elle n'existe pas.
De toute façon, le vieux guitariste n'existe pas non plus.
Il n'est pas au coin de la rue de mon village, on ne lui donne pas d'argent.
Il n'a pas d'existence matérielle, il est en nous, dans nos têtes et dans nos coeurs."

Voilà... j'avais envie de le partager.

A bientôt...

Natus Bidulus

Image tirée d'internet: link

 

Publié dans Pensées

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B
ben dis donc... j'avais pas lu celui-là... j'sais pas comment ça s'fait que j'étais passée à côté... je suis impressionnée. belle écriture...<br /> au fait, 1993, ça date! oh la la! j'avais 20 ans cette année-là! on passe sur la date, sinon, comme diraient mes cop's, on va sortir les mouchoirs!<br /> biz.B<br /> & toi? t'avais quel âge?!!!
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N
<br /> 19ans ma chère...<br /> Et oui, ça passe... et nous, on trépasse!!!! (pas très optimiste tout ça!!!!)<br /> <br /> <br />